Pour un aménagement durable du territoire !

Publié le par labo67

 

« L’expérience est une lanterne que l’on porte sur son dos et qui n’éclaire jamais que le chemin parcouru »

Confucius

Par Francis Hammer

 

Un peu d’histoire

 

Conçu aux lendemains de la 2ème guerre mondiale, l’aménagement du territoire s’est imposé très vite comme un outil indispensable au service d’une volonté politique du développement économique et à tout ce qui avait trait à l’habitat, aux transports et aux communications.

Il s’agissait à l’époque de répondre tout à la fois au défi de la (re)construction du tissu industriel et  des infrastructures mis à mal par l’occupation allemande, et à la dynamique d’une démocratie rénovée aux exigences civiques du redressement national.. Ce qui permettait à Philippe LAMOUR  dans son ouvrage Soixante millions de Français  de voir dans cet instrument « la croisade de tous les Français pour la conquête et la construction de leur avenir » (1)

 

A l’évidence, cette perspective très franco- française de répondre aux demandes du terrain par une un souci de justice sociale et de centralisation des spécialisation fonctionnelles des territoires, s’éloigne de ce qui préside aujourd’hui aux concepts du développement spatial où ce qui importe désormais est moins l’affectation et la redistribution des ressources nationales que l’importance accordée aux phénomènes de proximité, aux mises en réseaux , aux fractures territoriales illustrées par les antagonismes urbain/rural et centre/périphérie., etc.

 

Et aujourd’hui…

 

L’heure est désormais plus aux appréhensions du local, dans la mesure où le small is beautiful tend à apparaitre comme l’alpha et oméga des nouveaux canons de l’innovation, de la souplesse et des réactivités dans les organisations, à l’opposé des structures pyramidales qualifiées de bureaucratiques et rigides.

 

Ce qui pose problème

 

Ce faisant, il n’est nullement certain que les qualités que l’on attribue au local soient la condition nécessaire et suffisante pour valider territorialement le libéralisme en crise à travers les effets pervers de la concurrence débridée et de la main mise de la finance sur l’économie réelle.

 

Il n’est pas non plus certain que ce qui faisait la force de l’économie planifiée des trente glorieuses illustrée par l’élévation continue des niveaux de vie succédant à une économie de guerre, puisse trouver dans les vertus du local et de ses nouvelles organisations la force d’encaisser sans broncher les exigences liées à la mondialisation des échanges, aux influences climatiques , à l’inégale répartition des richesses naturelles, sans compter les énormes disparités qui caractérisent les états dans leur organisation politique,  la taille de leur territoire ou le nombre de leurs habitants.

 

Quand l’écologie s’invite à la table des négociations

 

Quand dans les années soixante René DUMONT introduisait la notion de développement durable, ce n’était pas tant pour soutenir la nécessité d’une agriculture respectueuse de son environnement que par la nécessité de refonder les relations des individus entre eux, à travers la requalification des politiques d’énergie, de contrôle démographique, de protection des écosystèmes et de coopération renforcée vis-à-vis des pays du tiers monde.

Ce faisant il introduisait ce qui aujourd’hui demeure plus que jamais d’actualité dans les réponses qu’il s’agit d’apposer à la prise en compte généralisée des conséquences climatiques issues des pratiques polluantes et de l’épuisement des ressources naturelles.

 

Ces nouvelles politiques donnent à reconsidérer tout autant, les logiques productivistes et la formation des plus values, que celles réduisant les finalités des modes de vie des individus au seul couple de l’individu producteur/consommateur.

De fait, l’élévation des niveaux de vie en Inde et dans les pays de l’Asie du sud est rend problématique sinon impossible l’importation des standards occidentaux des modes de vie, si l’on désir inverser durablement la courbe des effets catastrophiques issue des processus de développement en vigueur.

 

Entre consciences individuelles et projets institutionnels

 

Chacun n’a-t-il pas en mémoire ce qui dans le cadre de ses trajectoires l’amène à considérer les initiatives publiques à la considération de ses propres référentiels ?

Et qu’est ce que la réussite pour les uns quand elle signe son échec par ailleurs ?

 Combien de projets collectifs avortés,  disqualifiés dans le temps ou tout simplement  réduits aux acquêts de ses effets d’annonce faudra t il encore, pour amener décideurs et pouvoirs publics à considérer l’impact  de l’action à la force de sa dimension sociale, celle consistant à mesurer son audience et sa pertinence  dans son acceptation par le plus grand nombre ? .

Nb : Voir aussi en annexe le cas du GCO (2) (3)

 

Le patrimoine dans sa dimension collective

 

Encore faudrait il que l’acceptation ne soit pas la conséquence de la résignation, où l’horizon se voile des frustrations liées aux attentes déçues.javascript:;

S’approprier un projet c’est aussi voir dans ses composantes, sa démarche et sa finalité, la possibilité de s’y inscrire et de l’enrichir de sa propre expérience.

Ce que nous investissons tous plus ou moins lorsque le projet émargeant de notre volonté en vient à se concrétiser par les moyens matériels dont nous disposons, pourquoi n’en faisons nous pas de même pour les projets collectifs ?

Nous connaissons  le sentiment de propriété qui affecte le patrimoine dont nous pouvons disposer. Ce patrimoine individuel, qui peut être de toutes sortes, est aussi vécu en terme de propriété d’un bien (logement, voiture, meuble, etc) qu’il s’agit de protéger sinon de conforter.

En ce sens chacun se sent responsable de ce qui lui appartient en propre. Mais l’est il tout autant pour ce qui relève du patrimoine collectif, dont l’idée même en vient à se perdre dans le dédale des conduites individuelles encouragées en cela  par un système qui l’enferme au rôle de consommateur passif ?

 

La responsabilité collective et les politiques publiques

 

Autant la responsabilité résultant de la propriété individuelle n’est plus à démontrer, autant la responsabilité collective d’un patrimoine commun demeure étrangère à bien des consciences.

Nous avons perdu  avec l’inscription dans le temps et l’acclimatation au quotidien, tout ce faisait le sens de la doxa républicaine et de sa traduction dans l’état providence.

Pour beaucoup, la citoyenneté est devenue le champ de bataille des seuls droits affectés à chacun dans ce qui le relie à nos institutions. Lobbying, corporatisme, et communautarisme, se disputent aujourd’hui  les faveurs de la république là où les obligations de chacun se diluent dans le confort repu du plus grand nombre.

A l’évidence, l’urgence écologique se faisant compagnon de route de la justice sociale va-t-elle comme on le craint, suivre le chemin des grandes et petites compromissions comme on peut le voir avec les batailles sourdes sur le marché international des droits de tirage carbone ou les conduites paresseuses que chacun entretient vis-à-vis des règles élémentaires de protection des écosystèmes et du bon usage des ressources naturelles ?

 

La démarche participative  tenue par la responsabilité collective

 

Sans aller jusqu’à refaire le procès d’une démocratie représentative en panne de visibilité au quotidien des citoyens, encore faudrait il que les initiatives qui naissent de la société civile puissent se rappeler que le principe de la démocratie participative venant en prolongement du choix des urnes, est une exigence à la portée de tout projet qui se veut responsable et cela, tant sur le terrain de la justice sociale que celui de la nécessité écologique et de l’efficacité économique.

Aussi, il n’est pas interdit de croire que quelle que soit le niveau des projets, responsabilité collective et démarche participative puissent trouver à s’énoncer et s’unir si l’on souhaite que ce qui aujourd’hui encore s’affiche sous la forme du questionnement puisse demain se réaliser dans toutes les instances de la vie sociale économique et culturelle.

 

Les perspectives de l’atelier

 

Si la finalité de cet atelier réside dans sa volonté de sortir des pièges d’une logique technocratique externe à une saisie partagée entre décideurs et récipiendaires de la démarche, alors ce long préalable de positionnement trouvera sa pleine utilité dans un phénomène de va et vient constant entre les présupposés du départ et les constructions qui sur le terrain se déclareront de sa visée progressiste.

 

Ramenés à l’échelle du Bas Rhin, les questionnements devront porter tout à la fois :

 

  • Sur la motivation et la stratégie des acteurs inscrits dans cet atelier
  • La validation des déclinaisons territoriales et thématiques qui seront proposées.
  • La dimension nécessaire et suffisante des études concourant à l’élaboration des contenus
  • La cohérence globale du projet dans ses visées économiques, écologiques et sociales

 

La question des énergies,  la problématique de l’eau, celle des ressources non renouvelables, les mobilités  à l’ombre des coûts induits des processus de production et des désordres spacio-sociaux, la « rurbanité »  trou noir du développement des villes, l’occupation des sols… telles paraissent être les préalables menant à la phase opérationnelle de déclinaison de questions qui présentement occupent le devant de la scène, ainsi :

 

  • La place de l’Alsace dans le croissant fertile de la Mitteleuropa
  • Le rôle de Strasbourg comme métropole d’équilibre et capitale Européenne d’une ambition transnationale
  • La géothermie et le solaire dans les circuits économiques des énergies non renouvelables
  • Les créations de valeur dans la filière bois
  • La mixité sociale et générationnelle et sa généralisation dans l’espace, etc

 

Il est certain que dans l’esprit, qui à terme devra se conclure dans  des projets innovants et partagés, faire démarrer le train de la  méthode ne sera pas le moindre des paris  tant il est vrai que si il est aisé de dénoncer sans proposer, cela l’est beaucoup moins quand il s’agit de proposer avec discernement.

 

A défaut de bien saisir les ombres du chemin à parcourir, rien n’interdit de se cogner aux pierres qui le jalonnent. L’expérimentation c’est aussi cela.

 

(1) « 60 millions de Français » Philippe LAMOUR Ed Buchet Castel 1968

(2)Voir pour le contexte :

« Politiques de transport et inégalités sociales d’accès » Ch GEMELIN, V KAUFMANN, J BARBY, G PINI - Observatoire universitaire de la mobilité – Université de GENEVE

In Projet de recherche PREDIT 3. Cahier du LaSUR 10

 

(3)  L’exemple type en la matière s’illustre aux multiples déraisons du  GCO , le grand contournement ouest autoroutier de Strasbourg , élaboré dans les années soixante dans les méandres d’une politique au fil de l’eau, et dont le passage en force décidé par le gouvernement FILLON aura pour principal bénéfice d’assécher des finances publiques, sans que pour autant, son tracé puisse répondre aux embouteillages quotidiens issus de la confrontation d’un trafic pendulaire de proximité avec celui d’un trafic de transit accaparant le tracé de l’A 35 dans sa portion urbaine

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